Après être venu en reportage le 7 mars au collège Marie Marvingt, le magazine Telerama a publié le 28 mars un article consacré au dispositif « devoirs faits » .
Retrouvez-le sur le sur son site : Telerama
Ou en intégralité dans le fichier joint et ci-après :
« Instauré depuis trois ans dans les collèges, le dispositif Devoirs faits permet aux élèves, notamment les plus en difficulté, de faire leurs devoirs entourés de personnels de l’établissement. Reportage au collège Marie-Marvingt, à Bouguenais, près de Nantes.
Dans la petite salle de classe aux murs décorés de mandalas et de dessins d’élèves, une douzaine d’entre eux prennent place en silence, avec des gestes d’habitués, autour de tables installées en îlots. Un ordinateur trône dans l’angle, à côté d’une étagère de livres. Sur chaque îlot, trois élèves pour une place vacante. Celle-ci est destinée à l’un des adultes présents, sollicités en cas de besoin. Ce jour-là, au collège Marie-Marvingt, à Bouguenais, dans l’agglomération nantaise, il est 11 heures quand ces élèves de sixième et de quatrième sortent livres d’histoire et cahiers de français. Chacun vaque alors à ses occupations, sous le regard de Calvin Foucher, assistant d’éducation (AED) en pré-professionnalisation, et Virginie Boutec, professeure de français et coordinatrice du dispositif Devoirs faits pour l’établissement.
Instauré il y a trois ans par le ministère de l’Éducation nationale pour le niveau collège, ce dispositif permet à des élèves volontaires de faire leurs devoirs dans l’établissement, en dehors des heures de cours, entourés d’adultes volontaires également, rémunérés en heures supplémentaires. Sur les 712 collégiens que compte cet établissement à forte mixité sociale, environ 150 participent à Devoirs faits, entre une et trois heures chaque semaine, selon leurs besoins.
En début d’année, un courrier a informé toutes les familles de l’existence du dispositif. « Entre 70 et 80 % des élèves de Devoirs faits y ont été inscrits à ce moment-là par leurs parents, observe François Guegaden, principal du collège. Mais on précise bien que tous les devoirs ne seront pas faits : il ne faut pas que les parents se désengagent de l’accompagnement de leur enfant. » Un petit coup de pouce est donné par la suite aux autres « volontaires » : « Les professeurs principaux identifient les élèves qui ont des difficultés et en parlent à l’ensemble de l’équipe. Le dispositif est ensuite suggéré aux parents par le professeur principal ou le conseil de classe », complète le chef d’établissement.
D’autres relations avec les élèves
Bon gré, mal gré, les élèves de Devoirs faits s’accommodent des ces heures de soutien, et tentent de voir le verre à moitié plein. « Ça m’arrange pas trop, souffle Alexi devant son cahier, en classe de quatrième. Normalement, à cette heure-là, je pourrais aller au self… C’est mes parents qui voulaient, parce qu’en cinquième j’avais pas de très bonnes notes… Bon, c’est compréhensible. » L’adolescent reconnaît cependant avoir davantage de temps libre, car il passe moins de temps à faire ses devoirs à la maison. « L’objectif est aussi de dédramatiser les devoirs en famille, confie François Guegaden. On sait que certains parents ont des difficultés à faire travailler leur enfant. »
Dans un coin de la pièce, trois adolescentes s’appliquent à inventer des haïkus pour le cours de français. Aucune d’elles n’a de difficultés scolaires, mais elles viennent à Devoirs faits. Sur un autre îlot, Anastasia et ses camarades semblent avoir fini de travailler. Virginie Boutec, la coordinatrice, dégaine alors un jeu de société sur les conjugaisons. Anastasia se prête au jeu de bonne grâce, reconnaissant qu’elle a progressé en français. « Ça se passe bien ici. De toute façon j’ai pas le choix, mais ça m’ennuie pas, sauf quand je finis à 17 heures. » Virginie Boutec a obtenu un budget exceptionnel pour acheter livres, dictionnaires, cartes mentales et jeux réservés à la salle Devoirs faits. L’enseignante apprécie ces moments où elle crée d’autres relations avec les élèves. Elle peut également repérer ceux qui n’ont pas compris une leçon ou ont des problèmes de méthodologie.
Au collège Marie-Marvingt, le dispositif fait partie intégrante de l’emploi du temps. Dix-sept créneaux différents sont éparpillés dans la semaine, de 8 heures à 17 heures. Chaque absence au dispositif doit être justifiée, un retour sur Devoirs faits est réalisé à chaque conseil de classe, et il existe des réunions de régulation régulières avec les dix-sept intervenants. « C’est vraiment un temps où je dis aux élèves : “Si tu as des questions, fonce !” ajoute Virginie Boutec. On les prépare un peu pour le lycée, ce sont des heures où on leur donne des codes pour travailler. » L’établissement a même instauré un « e-devoirs faits » pour les élèves de troisième, essentiellement axé méthodologie et préparation à la classe de seconde, les lundis et jeudis de 18 heures à 19 heures. Et, contre toute attente, les adolescents ont largement répondu présent.
S’en tenir aux devoirs donnés
Après la pause déjeuner, à 13 heures, l’ambiance de la salle Devoirs faits est différente. Seulement quatre élèves, uniquement des garçons, de quatrième et de troisième. Derrière le masque, l’enthousiasme n’est pas franchement palpable. Les adolescents sortent leurs affaires, s’y mettent doucement. Des livres de mathématiques sont ouverts, des exercices sortis. Stergann, en quatrième, navigue entre l’ordinateur, où il survole un article du Monde, et la table où il travaille seul son discours sur le thème de la santé, pour le concours d’éloquence. Lui détesterait être là à 8 heures du matin, ou après les cours, le créneau de 16 heures à 17 heures. « Je voulais faire Devoirs faits, mais juste une heure par semaine. Mes parents en ont rajouté une, j’étais pas d’accord. Mais bon, mes notes s’améliorent, je vois bien que ça m’aide », reconnaît l’adolescent.
Plus loin, Karmis, élève de troisième, termine tous les jours à 17 heures, avec trois créneaux de Devoirs faits par semaine. Lui aussi reconnaît des progrès, mais fatigue un peu, avec les entraînements de foot en plus. « J’aime pas trop finir tous les jours à cette heure-là. Mais mes parents pensaient que je faisais pas mes devoirs… » Mathieu Guy, le professeur d’histoire-géographie en charge de cette heure post-repas, apprécie le contact avec ces élèves qu’il ne connaissait pas. Même s’ils ronchonnent parfois un peu, surtout quand les devoirs sont bouclés et que l’enseignant propose de revoir des leçons. « Ça, ils ont du mal, c’est un peu les limites du dispositif. Ce serait pourtant bien parfois de reprendre avec eux certains chapitres… » Pour les élèves, s’en tenir aux devoirs donnés est souvent suffisant. Pour les professeurs, essayer d’impulser d’autres dynamiques de travail est un défi. »